Le 16e arrondissement de la ville de Paris, ex-commune d’Auteuil, fait partie des tissus urbains les plus densément bâtis et peuplés de France. L’avenue Mozart où l’on peut aujourd’hui encore admirer les monumentaux immeubles en pierre de taille bâtis entre le 19e et 20e siècle, en est le parfait exemple.
D’un point de vue urbanistique, ces immenses constructions de grande qualité présentent cependant un gros défaut. Leur grande hauteur comprise entre 21 et 25 mètres, ainsi que l’extrême densité du bâti ( îlots fermés et absence d’espaces verts) plongent les étroites rues du quartier dans une pénombre quasi permanente.
Alors pourquoi avoir bâti si haut et de manière si dense ?
Logique économique
Les immeubles d’Auteuil sont ce que l’on appelait à l’époque des immeubles de rapport. Ils étaient nommés ainsi du fait que ce type de construction était conçu pour rapporter à son propriétaire les loyers des ménages.
Leur construction résultait d’une opération immobilière privée. L’immeuble de rapport étant un investissement financier, la parcelle était donc exploitée au maximum de ce que le règlement d’urbanisme permettait. Or à la fin du 19ème siècle, la hauteur maximum des constructions dans le tout nouveau 16e arrondissement avait été fixée à 21 ou 25 mètres.
Dans les beaux quartiers de l’ouest parisien comme partout ailleurs, l’absence de règles urbanistiques strictes n’a profité qu’aux intérêts de quelques uns, et a largement porté préjudice à l’intérêt commun.
Les années 70, ou la mort de l’architecture et de l’urbanisme…
La question urbanistique ne s’est pas améliorée dans les années 70 où le 16e arrondissement a été victime d’une nouvelle fièvre immobilière qui a laissé ses traces. La construction de tours étant à l’époque toujours interdites dans l’arrondissement, les promoteurs ont, comme au siècle précédent, continué à bâtir des immeubles aussi hauts que les règlements l’autorisaient, tout en poussant la logique économique à son paroxysme.

La magnifique façade du numéro 5 Rue Dangeau bâti en 1895 par l’architecte Jean Boussard, haut de 21m comporte 6 étages (R+6 en comptant la mansarde), soit une moyenne de 3m par niveau.
L’immeuble voisin datant des années 70 comporte, pour la même hauteur, 7 étages (R+7), soit une hauteur de 2,6m par niveau. En réduisant au maximum la hauteur sous plafond, le promoteur maximise ainsi les profits. Les volumes intérieurs sont réduits autant que possible, et il en va de même de l’ornementation et des modénatures. Exit la pierre de taille, les cariatides, la ferronnerie, les briques émaillées, l’art en général… Après la seconde guerre mondiale, tout ceci est devenu superflu, trop cher, inutile, .. bref totalement désuet.
Certains amoureux du patrimoine pourraient rétorquer que cette construction moderne ne s’intègre absolument pas à son environnement. Mais comme dirait l’apôtre de l’architecture contemporaine Rem Koolhaas : « Fuck the context !! ». Tout est dit… Le promoteur est ainsi autorisé à aller au plus simple, c.à.d. couler une très lucrative boîte en béton armé.

Ce propos « caricatural » de l’architecte néerlandais mondialement (re)connu est devenu ainsi la parfaite illustration de la problématique toujours d’actualité concernant l’intégration de constructions modernes dans un bâti ancien.
Toujours dans le même esprit, on peut s’arrêter quelques instants sur la rue Jasmin, notamment au numéro 27, ainsi qu’au numéro 21.

Ce dernier numéro est un ancien central téléphonique parisien réalisé par Paul Guadet. Sa très belle entrée de style Ar Nouveau cerclée de briques émaillées est voisine d’une façade grise presque aveugle au style déconstructiviste.
Cette construction moderne nous fait réaliser un dernier point intéressant, le traitement des entrées. Les immeubles en pierre de taille du quartier présentent de majestueux portails, souvent richement décorés de bas-reliefs, de ferronneries et parfois même encadrés par de monumentales cariatides. Cette profusion d’ornements rendent chaque portail unique. Ces entrées sans pareilles accueillent majestueusement les visiteurs et participent grandement au caractère et à la beauté des bâtiments. Aujourd’hui, les entrées des immeubles contemporains ne sont que des modèles réduits d’entrées de garage. Elles sont sombres, tristes et d’une banalité insignifiante.
Pour finir sur une note positive, vous trouverez ci-dessous quelques exemples des façades du quartier d’Auteuil que l’on peut aujourd’hui encore admirer. Celles-ci sont pour la plupart richement décorées et dans un style très éclectique (utilisation de briques vernissées, de loggias à l’italienne, d’arrondis, de bow-windows etc..), ce que le baron Haussmann aurait probablement désapprouvé.