Seulement deux jours après le terrible incendie de Notre-Dame de Paris, le Premier Ministre Edouard Philippe, a annoncé l’ouverture d’un concours international d’architectes afin de statuer sur la reconstruction ou non, et sous quelle forme, de la flèche détruite par les flammes.
Sur internet, on peut d’ailleurs déjà trouver la proposition iconoclaste d’Alexandre Chassang, architecture inconnu qui essaie sûrement d’obtenir un peu plus de notoriété que son homonyme, joueur de basket au JDA Dijon. Et forcément, quand on a de l’imagination mais pas de talent, pour faire parler de soi, rien de mieux que de se livrer à un peu de provocation.
Autre projet, véritable résumé de tous les poncifs architecturaux de notre époque :
On y retrouve le toit-terrasse, la flèche en verre, mais on y a retiré les statues des Saints et autres babioles pour y mettre des plantes vertes ; et bien sûr une promenade pour que les touristes puissent y prendre des selfies tout en dégustant le café Starbucks qu’ils auront acheté dans la nef en attendant l’ascenseur.
Un tel projet montre bien la méconnaissance de son auteur en architecture religieuse. La nef, tout comme la coupole dans une église ou une mosquée, symbolise les cieux, et par métonymie Dieu. Au temps des cathédrales, nos ancêtres ont ainsi bâti des voûtes toujours plus hautes afin de montrer aux fidèles la grandeur de Dieu. La symbolique est simple : le croyant prie en bas, dans la nef, les yeux levés vers les célestes ogives, image du Tout-Puissant.
Ici l’architecte imagine le toit de la cathédrale non plus comme un espace dédié aux anges et aux Saints mais comme une promenade au-dessus des voûtes, où l’Homme domine les cieux, et Dieu lui-même. Peut-être que le but recherché par certains est d’ailleurs là.. montrer que l’Homme moderne a aujourd’hui tué Dieu et qu’il est plus grand que lui.
Mais personnellement, je vois mal l’Eglise catholique accepter une telle idée pour rénover sa cathédrale. Certains me répondront sûrement que l’on pouvait déjà monter visiter les deux tours de Notre-Dame, alors pourquoi ne serait-ce pas le cas pour les voûtes ? Je me répète, les voûtes et seulement les voûtes représentent les cieux. Les tours et leurs cloches servent pour l’appel à la messe. La symbolique est différente. Bref, on oublie donc le toit-terrasse pour les promenades dominicales.
Editorial du Monde pour une cathédrale du XXIe siècle
J’aimerais aussi revenir sur l’éditorial écrit par la rédaction du Monde qui témoigne d’un certain niveau d’amateurisme sur le sujet. Le Monde pose la question suivante :
Quant à la flèche, rajoutée de façon intempestive au XIXe siècle par Viollet-le-Duc, convient-il de la restaurer à l’identique, d’en inventer une nouvelle ou carrément de la supprimer ?
Cette flèche, jugée inopportune par Le Monde, n’est pas une folie sortie de l’imagination de Viollet-le-Duc. Dès le début du 13e siècle, la croisée du transept de Notre-Dame était surmontée d’une flèche. Celle-ci, fragilisée par les intempéries et le temps, a été démontée 562 années plus tard en 1792, et reconstruite quelques décennies plus tard par Viollet-le-Duc. Trouver cette information serait-elle compliquée ? Non il faut approximativement 5 secondes pour trouver la page Wikipedia dédiée à la flèche de Notre-Dame de Paris. Voici le lien.
Autre question du Monde :
Osons trancher ! Comme toutes ses semblables, Notre-Dame n’est pas un patrimoine figé. Depuis des siècles s’y sont sans cesse superposés les styles et les empreintes, dictés par les choix architecturaux et techniques du moment.
Comme diraient les décodeurs du Monde: Pourquoi c’est faux.
Certes la flèche de Viollet-le-Duc était différente de l’originale, mais il n’aura échappé à personne que cette nouvelle flèche n’était en aucun cas un ajout néo-classique ou éclectique, styles alors très en vogue au milieu du 19e siècle ; mais qu’au contraire, il s’agissait bien d’une flèche bâtie dans le plus pur style gothique comme tout le reste de la cathédrale.
Dire que les styles se superposent à Notre-Dame de Paris est bien évidemment faux. Trouver cette information serait-elle compliquée ? Non, il suffit d’avoir regardé la cathédrale au moins une fois dans sa vie.
Autre point très important, Le Monde confond culture et patrimoine. Promouvoir un patrimoine architectural « qui ne serait pas figé » ne veut rien dire. Par définition, le patrimoine architectural est l’ensemble des constructions humaines qui ont une grande valeur parce qu’elles caractérisent une époque, une civilisation et que nous voulons transmettre ce témoignage intact aux générations futures.
Le Monde a tranché la question de la reconstruction contemporaine de Notre-Dame en usant de mauvais arguments, mais qu’en est-il des lecteurs de la presse française ? Quel est leur avis ? Le Figaro a posé la question suivante, à laquelle ont répondu plus de 80 mille votants :

Le faux argument du Louvre
Le Louvre a été magnifiquement rénové il y a 30 ans sous la présidence de François Mitterrand. Les façades, les toitures, les sculptures, les baies.. Tout a été rénové dans le respect de l’époque. L’idée géniale a été d’ajouter à ce gigantesque musée une nouvelle entrée, la pyramide du Louvre, qui vient magnifier la cour Napoléon et les façades du palais. Il faut rappeler que le projet à l’époque avait suscité une vive polémique.
Mais ce qu’a fait Ieoh Ming Pei est bien de construire un nouvel édifice rendant merveilleusement hommage à l’une des plus grandes collections d’antiquités égyptiennes. En aucun cas l’architecte américain a détruit la toiture du pavillon de l’Horloge pour le coiffer d’un toit terrasse ou d’une boîte en verre en porte-à-faux sur la cour carrée. Ieoh Ming Pei a laissé intactes les différentes ailes de ce magnifique musée.
On voit bien que citer l’exemple du Louvre pour justifier l’ajout d’un appendice contemporain à la cathédrale Notre-Dame est absurde.
Et si les travaux du Louvre sont une réussite contemporaine indéniable, ce n’est évidemment pas le cas de la tour Montparnasse et de sa gare, de l’Opéra Bastille et que dire des cathédrales contemporaines comme celles de Créteil ou d’Evry.
L’orgueil du « nouveau monde »
Concernant tous ces projets et autres transformations de Notre-Dame en parc d’attractions pour touristes, voici un court texte que l’on m’a autorisé à reprendre :
Pourquoi tant d’arrogance ? Comment peut-on se prétendre plus talentueux que les artisans à l’origine de ce joyau du Gothique.
Est-ce par peur d’échouer à la restauration de Notre-Dame que tous vocifèrent contre le diabolique « passéisme sclérosant et muséifiant » ?
Ou n’est-ce pas, plutôt qu’un drame, une aubaine pour tous ces architectes subversifs en mal de reconnaissance ? Ceux-là mêmes qui jalousent la place qu’a encore dans nos cœurs le chef d’œuvre de nos ancêtres !