Le bois : un retour de la façade ornementale
Situé dans les Hauts-de-Seine, Chaville est une ville de la banlieue Ouest de Paris entourée de bois. Avec 156 hectares de surface boisée, la moitié du territoire communal est couvert de forêts. La ville principalement pavillonnaire compte aussi de très nombreux jardins privatifs qui contribuent à sa verdure. C’est pour mettre en valeur cette nature que les nouvelles constructions chavilloises se couvrent, depuis plusieurs années, de bardages en bois . Il n’est pas question d’écologie, ou de construire des édifices publics avec un matériau durable, en utilisant justement une structure en bois.
Absolument pas.., il s’agit simplement de revêtir les constructions de béton d’un bardage en bois dans un but esthétique, afin de faire écho à la forêt environnante. Certains pourraient parler de greenwashing, mais je préfère voir dans cette nouvelle pratique un retour timide de la façade ornementale. Peut-être que l’ornement ne serait enfin plus un crime, fini le joug de l’architecture utilitariste et standardisée.
Ces bardages en bois ont donc vocation à embellir les bâtiments de la ville, et pourtant c’est bien souvent l’inverse qui se produit avec le noircissement prématuré de ces revêtements.
Le noircissement du bois : un phénomène naturel
Au contact de l’humidité et de l’eau, des champignons de décoloration se développent sur le bois. Ce phénomène de surface reste donc sans danger et n’affecte pas la structure du bois – source.
Ce phénomène de décoloration est plus ou moins rapide selon l’exposition à l’eau. Un bois bénéficiant d’un air sec et d’une bonne protection contre les intempéries ne changera que très lentement de couleur, au contraire un bois soumis à des ruissellements réguliers noircira très rapidement.
Pour protéger le bois de ce phénomène, les solutions sont nombreuses : lasure, saturateur ou encore huile. Mais quelque soit le produit utilisé; laver, poncer puis vernir chaque tasseau s’avére être un travail long et fastidieux.
Le bon sens veut donc que l’on protège au mieux les façades boisées afin de limiter au maximum leur entretien. Mais comme vous allez le voir ci-dessous avec ces exemples chavillois, c’est malheureusement rarement le cas.
Chaville et ses façades moisies
Ce lotissement d’immeubles dénommé Cœur Boisé n’a été livré qu’en 2016 , mais alors que sur les façades nord le bardage protégé par d’imposants balcons en porte-à-faux est resté intact , de l’autre côté du lotissement , les architectes ont préféré faire l’inverse et recouvrir de bois les parties en saillie.
Le contraste est saisissant. Les deux photos ci-dessus ont été prises le même jour, et il s’agit bien du même lotissement d’immeubles.
Cette maison d’architecte sur les hauteurs de la ville montre le bon exemple, l’architecte a pensé à y installer de larges débords de toit. Malgré les années , les boiseries ont conservé leur aspect et couleur.

Quelques rues plus loin, cette maison offre un visage bien différent. La rive de toit se trouve à fleur de façade laissant le mur pignon sans protection.

On peut noter que les parties situées dans l’embrasure des baies sont restées beaucoup plus claires, accentuant un peu plus le hiatus des couleurs.
Dans le centre ville, cette extension construite en 2017 utilise un bardage à claire-voie vertical (aussi appelé bardage ajouré). La façade présente un encorbellement prononcé et il est intéressant de remarquer que la partie sous-jacente a vieilli plus lentement que le reste du bâtiment.

La MJC de Chaville est l’exemple même de la mauvaise utilisation de boiseries. Voici la projection qui était faite du bâtiment.

Le décor évoquant des arbres et entourant le bâtiment est composé de pièces disposées en biais. La pluie y ruisselle comme sur un toboggan laissant de longues coulures noires. Après seulement quelques années, la MJC et ses arbres évoque aujourd’hui plus la pollution et la destruction de l’environnement que la nature immaculée.
Ce bâtiment commandé par la mairie n’est pas le seul cas d’une détérioration prématurée des façades, l’école Paul Bert reconstruite et livrée fin 2011 montre bien à quel point ce type de revêtement peut se détériorer très rapidement. Dès août 2012 soit seulement 10 mois après livraison, les façades avaient déjà commencé à changer de couleur et des coulures noirâtres sont apparues.
Années après années, on peut voir que le dernier étage de l’édifice protégé par un avant-toit a mieux résisté au temps que le reste des façades devenues pratiquement noires.
Mais tous ces exemples ne semblent pourtant pas avoir servi de leçon à la mairie de Chaville, puisque celle-ci a lancé cet été des travaux d’extension pour l’école maternelle des Jacinthes, et comme le montre la projection ci-dessous…

… On y retrouve un bardage à claire-voie vertical, une absence totale de protection, le tout au milieu de meulières.
Après réflexion et en avançant dans la rédaction de cet article, je me rends compte que ces revêtements sont en réalité très souvent les mêmes, on a presque toujours des tasseaux à claire-voie disposés verticalement. Ce retour à l’ornementation aurait pu encourager les architectes et le BTP a proposé des façades vraiment singulières et originales.. mais au final on a le droit à une solution esthétique standardisée à outrance et vieillissant très mal.
Tout ce bois de parement me semble donc être un bien mauvais investissement mais pour la mairie de Chaville, comme pour de très nombreuses autres villes, ce surcoût financier à la charge des contribuables n’est peut-être pas si inutile. D’un point de vue électoral, il ne faut pas oublier que le greenwashing reste un outil de communication très efficace.
PS : Pour les lecteurs pointilleux, je pense à ceux de reddit par exemple, cet article n’est pas une liste exhaustive de tous les phénomènes qui peuvent endommager le bois, en effet le soleil, les chocs mécaniques, la pollution etc.. peuvent aussi participer à sa détérioration. Ici l’article ne traite que du noircissement superficiel dû aux intempéries.
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